Interview : Diego Moraes de Tattoo Cover

Joshua Daguenet : Comment une émission portant sur le tatouage peut-elle s’avérer distrayante pour les téléspectateurs ?

Diego Moraes : J’espère déjà que cela va l’attirer du bon côté et montrer comment nous travaillons et faire connaître le tatouage au grand public. Cela va l’attirer parce que l’on montre la vérité, on explique clairement nos choix et notre savoir-faire.

Est-ce un moyen de porter le tatouage en plus haute estime ?

L’émission va surtout marquer les personnes qui, à la base, n’aiment pas les tatouages. Elle va peut-être faire changer d’avis les réticents et ceux qui aiment déjà, elle va renforcer leur conviction. On expose ce que l’on fait dans la vie de tous les jours.

Comment définissez-vous votre style ?

Je tatoue depuis 20 ans et dans l’école que j’ai fréquentée, nous étions obligés de tout faire, donc il n y avait aucun style particulier à développer. Maintenant, il faut avoir un style plus précis. Depuis 10 ans, je suis spécialisé dans le noir et gris et dans le réalisme. Je fais aussi des thèmes classiques japonais. Chaque tatoueur a ses influences.

Vous êtes d’origine brésilienne. Là-bas, la tatouage est-il perçu différemment d’en France ?

Le tatouage est très démocratisé partout avec internet. Au Brésil, la coutume du corps est très présente et les gens tatoués sont très nombreux, mais pas beaucoup plus qu’en France. Mais il y a beaucoup d’échanges entre l’Europe et l’Amérique Latine, beaucoup de professionnels d’un continent vont vers un autre pour des conventions ou exercer. Depuis 10 ans, le tatouage est très ouvert à beaucoup de salons et à un large public.

« L’émission va surtout marquer les personnes qui n’aiment pas les tatouages »

En 20 ans de carrière, qu’avez-vous relevé comme changements dans ce domaine ?

Le niveau du tatouage est beaucoup plus fort, et le niveau est polyvalent partout dans le monde. Avec internet, il y a eu un véritable développement et chacun a pu constater l’évolution du niveau d’autrui. Maintenant, un tatoueur peut commencer dès lors avec son style, sans forcément tout savoir faire comme à mon époque. Les réseaux sociaux font que beaucoup peuvent se lancer sans avoir un gros réseau à la base.

Pourquoi avoir axé l’émission de tatouage sur le recouvrement ?

C’est pertinent, car le recouvrement est tout le temps présent dans ce milieu. Tous les tatoueurs en font pratiquement tous les jours. Dans l’émission, comme je l’ai expliqué, nous montrons notre quotidien or le recouvrement reflète nos journées de travail. Le niveau de tatouage est tellement élevé maintenant, beaucoup de gens qui, pourtant, ne regrettent pas leur dessin, demandent quelque chose de plus sophistiqué avec des techniques plus modernes.

La peur d’être démodé est la principale raison de cette forte demande ?

Ce n’est pas vraiment une question de mode, mais plus pour des besoins personnels. Le recouvrement est chouette, car il permet de proposer des choix correspondant constamment à l’envie d’une personne.

Cela interpelle de réclamer un dessin indélébile puis le regretter quelque temps plus tard…

Moi aussi, cela m’interpelle… Personnellement, je n’ai jamais rien regretté même si je ne referai pas aujourd’hui des tatouages que l’on m’a dessinés à mes 20 ans. Maintenant, il y a des choix malheureux ou liés à des moments de sa vie qui ne correspondent plus à la réalité d’aujourd’hui.

« Je ne referai pas des tatouages que l’on m’a dessinés à mes 20 ans »

Tout cela illustre quand-même une prise de décision très légère par rapport à ce que représente un tatouage…

Bien sûr, il ne faut jamais faire un tatouage sur un coup de tête, mais le décider de manière réfléchie. Mais personne n’entre et ne ressort directement avec un tattoo. Il faut un rendez-vous pour exposer un projet et revenir quelques semaines plus tard pour bien travailler son idée et être sûr de ce que l’on veut faire. Les gens ont le temps de prendre conscience de leurs envies. Un tatoueur, même très bon, n’est jamais adapté à tout public. On voit rapidement quand quelqu’un n’est pas sûr et quand le projet artistique de la personne est plus sérieux.

Que dites-vous à un homme souhaitant se faire tatouer le prénom de sa belle-aimée après seulement un mois de relation ?

Je vais le lui déconseiller bien sûr ! Je vais argumenter avec lui pendant un moment, mais s’il est majeur et qu’il a décidé coûte que coûte de prendre un rendez-vous pour le tatouage, on ne peut pas empêcher les gens de faire ce qu’ils veulent.

Vous avez deux décennies de pratique derrière vous. Comment voyez-vous l’industrie du tatouage dans 20 ans ?

Le tatouage progresse de jour en jour, mais il a toujours existé. Les gens ont la mauvaise idée de penser que c’est une mode, mais le tatouage est né avec la civilisation. Il y a de la mode dans le tatouage avec notamment des gens qui recopient des stars car le regard des gens est alors plus facile à supporter. Ils doivent penser à eux et non pas recopier ce qu’ils voient. Dans 20 ans, la tendance sera toujours plus grande avec plus de boutiques et des tatoueurs de plus en plus bons.

Avez-vous eu des demandes insolites ?

En 20 ans, oui, quelques-unes ! Mais pour les uns, ces demandes peuvent-être insolites et elles ne le sont pas pour les autres. Après, nous ne devons pas juger le client ou mettre une barrière en se disant qu’untel est bizarre. Il y a aussi des demandes auxquelles je ne souhaite pas répondre, comme tatouer le visage d’un jeune ou si elles ne correspondant pas à la personne ou notre style de dessin. J’ai déjà tatoué des endroits un peu étranges (rires), et je suis toujours amusé de tatouer des aisselles… Bien souvent, ce sont des personnes qui n’ont plus beaucoup de place (rires).

 

interview réalisé par : Joshua Daguenet

http://www.toutelatele.com/diego-moraes-tattoo-cover-les-gens-doivent-penser-a-leurs-envies-et-non-recopier-les-stars-97911

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